Baie James, Canada – Session « Corvette » – 2008 à 2010

Baie James, Canada – Session « Corvette » – 2008 à 2010

Sommaire

L’expérience d’un premier projet similaire a mis en avant la difficulté d’observer des loups en milieu naturel et de la nécessité de prendre son temps. Découvrir le territoire immense d’une meute très mobile en demande beaucoup, surtout lorsque l’on ne sait rien de la zone. La vie en extérieur impose également des contraintes et des problèmes à résoudre.

Les saisons passent donc très vite et comme les loups ont un tempérament méfiant vis à vis de l’homme, les rencontres sont rares et très furtives. C’est pourquoi le projet devait durer un an supplémentaire par rapport au précédent. De plus, une étude sur la cartographie du territoire de la meute a été montée pendant le premier été par Julie Dewilde et cela a demandé un gros travail de préparation et de recherche (notamment pour la classification de l’habitat).

Nous avions déterminé trois zones qui nous semblaient favorables au projet. Il était nécessaire de trouver un secteur relativement « fermé » et correspondant à la superficie moyenne du territoire d’une meute de loups dans cette région (1000 à 1500 km2). Sur place, nous avons fait les démarches pour s’assurer que notre présence ne dérangerait pas les activités de la communauté Crie. C’est avec bonheur que nous avons reçu l’aval du Taliman chargé de la zone concernée !

Moi devant le camp de base

2008

Aidé par les amis du Camp des Pins (rencontrés lors du premier projet), nous sommes difficilement arrivés sur la zone d’étude, située en Baie-James au Québec, fin juin 2008. Cette arrivée tardive (nous avons eu du retard dans la recherche de financement) nous a privé des dernières neiges et forcé à installer le camp de base sous le nez des ours noirs , ravis de voir débarquer de nouveaux voisins. Un déménagement et deux mois plus tard, nous rencontrons les louveteaux dans la nouvelle zone !

2009

L’année 2009 est la seule complète. Les rudes froids du nord laissent des traces et des engelures, tandis que les caribous marchent inlassablement vers le sud. Le printemps est tardif, le dégel accompagne la recherche de la tanière et ralentit l’exploration du territoire. L’été va amener des belles rencontres et c’est le premier cycle qui s’achève sur ce territoire immense et encore peu connu.

2010

L’année 2010 commence par un hiver doux comparé au précédent. La neige s’efface plus vite, mais les loups sont toujours bien discret. Le territoire se fait plus familier, les bons coins aussi. Le printemps voit resurgir les ours et les mouches. Les louveteaux se font attendre mais seront bien au rendez-vous. L’année s’annonce belle mais pourtant… sonnera un glas prématuré au projet de terrain. L’administration canadienne met un terme à l’expérience en refusant de prolonger un passeport.

Le bilan

L’arrêt imprévu d’un projet est toujours difficile à gérer. Dans notre cas, l’année qui nous a été refusée était celle qu’il manquait lors du premier vécu et que je considérais comme fondamentale. Ce n’est pas rien. Les rencontres avec la meute n’ont pas été exceptionnelles, mises à part les louveteaux chaque été (jamais rencontrés lors du premier projet), le territoire n’a même pas été entièrement visité, tellement immense et sans limite réelle. J’aurais aimé traverser le dernier hiver et marcher sur le lac Corvette, fort de mes échecs et de mes apprentissages. J’aurais aimé apprendre à être plus mobile, plus autonome.

Panorama du sud du territoire

Je me retourne et vois à quel point j’ai pu « perdre » du temps : « on a le temps, on a trois ans ». Deux ans et trois mois plus  tard, j’avais l’impression d’être arrivé la veille et de n’avoir rien fait. Et pourtant, après plus de deux ans sur le territoire d’une meute de loup, nous en avons des choses à partager :

La difficulté de voir des loups et de les approcher bien sur. Des interactions intéressantes avec la faune et la flore, profondément liées à cette Taïga si dure parfois . Des petits conflits d’intérêts avec les ours noirs, réglés à l’amiable et sans armes, juste avec quelques faces-à-faces et des discussions. Vivre avec le sauvage implique le partage du territoire.

Coucou Ben !

En Baie James, personne ne songe aller dans le bois seul et sans arme, Cri ou blanc. Certains se rappelleront de botchikii, qui n’en a jamais eu et qui ne l’a jamais regretté. Oui c’est possible de vivre au milieu des ours, des loups et des caribous, seul et sans arme. Juste avec l’envie d’observer et de comprendre, juste en cessant de se prendre pour le « maître du monde ».

Le bilan, même s’il est entaché par cet arrêt prématuré, n’est pas négatif. Nous avons recueilli plus de données que la fois précédente, j’ai vécu plus d’expériences diverses. J’ai grandi un peu plus et j’ai plein de choses à partager. Cependant, il aura fallu du temps pour digérer le retour en France. Je me suis fondu trop profondément dans cette Taïga pour que le départ soit indolore
La morsure de l'hiver

La seconde facette de Peuple Loup va se remettre doucement en place : le dialogue et l’échange, en direct, pendant deux ans. Expliquer notre démarche et nos convictions, partager des moments de bonheur, des instants magiques et peut-être montrer le loup autrement, sans chimères ni légendes. Il est difficile de faire passer cela par Internet, surtout avec des enfants. Mais ceci est une autre histoire…